dimanche 3 juillet 2011

Protéger les charniers de l'Holocauste, un "devoir pour les victimes"

Publié le 01-07-11 à 15:03 Modifié le 02-07-11 à 13:47
Des centaines de charniers de victimes de l'Holocauste sont éparpillés dans les collines, plaines et vallées d'Europe de l'Est, et menacés d'oubli. Des chercheurs réunis vendredi à Bucarest ont pressé les autorités de les protéger "par devoir pour les victimes". (c) Afp
Des centaines de charniers de victimes de l'Holocauste sont éparpillés dans les collines, plaines et vallées d'Europe de l'Est, et menacés d'oubli. Des chercheurs réunis vendredi à Bucarest ont pressé les autorités de les protéger "par devoir pour les victimes".
"Nous ne pouvons pas construire l'Europe ni la démocratie sur les fosses communes de victimes oubliées", a déclaré le prêtre français Patrick Desbois qui depuis des années parcourt l'Europe orientale, notamment la Russie, l'Ukraine, le Bélarus et la Pologne, afin de localiser ces charniers grâce aux récits de témoins des exécutions et aux archives de l'ancienne Union soviétique.
Depuis 2004, l'association qu'il a créée, Yahad-In Unum (Ensemble en hébreu et en latin), a localisé avec certitude 650 sites de fosses communes et interrogé plus de 1.850 témoins directs des massacres, villageois obligés de creuser les tombes, adolescents cachés dans les arbres ou dans les champs qui virent parfois leurs camarades de classe exécutés.
"Notre devoir est de trouver ces sites afin que les familles des victimes puissent dire une prière" pour les morts, a-t-il ajouté en précisant recevoir des milliers de lettres de proches recherchant où une grand-mère, un oncle, un père ont été enterrés.
Contrairement à l'Europe de l'Ouest où la majorité des victimes de l'Holocauste furent déportés vers les camps de la mort, à Auschwitz, Treblinka ou Sobibor, les juifs d'Europe de l'Est, de la Roumanie aux anciens territoires soviétiques passés sous contrôle nazi, furent exécutés "dans les villes où ils vivaient ou aux abords de celles-ci, souvent sous les yeux des leurs amis, voisins ou clients" comme lors du pogrom de Iasi (est de la Roumanie) il y a 70 ans, a rappelé Paul Shapiro, directeur du Centre de recherches avancées au musée du Mémorial de l'Holocauste à Washington.
Ils furent ensuite jetés dans des fosses communes oubliées durant des années.
Plus d'un million de juifs et peut-être jusqu'à un tiers des six millions de victimes juives de l'Holocauste ont trouvé la mort de cette manière, selon M. Shapiro.
Roms, homosexuels, prisonniers de guerre soviétiques furent aussi entassés dans des fosses communes.
La chape de plomb des régimes communistes, le peu de survivants ont contribué à "laisser dans l'ombre cet aspect de l'Holocauste", ajouté M. Shapiro.
La multiplication des fosses, l'implication croisée de différents acteurs --policiers ukrainiens agissant par exemple sous autorité du régime roumain-- ont rendu la situation en Europe de l'Est plus chaotique, souligne Radu Ioanid, directeur du musée de l'Holocauste de Washington.
Aujourd'hui, quand les fosses sont identifiées, elles ne sont pas ouvertes car la loi juive l'interdit sauf dans de rares cas comme à Propricani, dans le nord de la Roumanie.
Le but de Yahad-In Unum est d'arriver à protéger ces sites et de les marquer d'un mémorial.
"Le temps presse car les témoins meurent. Certains sites sont menacés par des projets de construction, d'autres par des inondations", a rappelé Patrice Bensimon, chercheur de Yahad-in Unum.
L'association a transmis les coordonnées GPS des sites qu'elle a localisés avec certitude au Comité juif américain. Ce dernier, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères allemand devrait mener bientôt un projet pilote pour protéger cinq lieux d'exécution, selon M. Desbois.
"Malheureusement, la tentation de commettre des génocides est une maladie humaine grave (...)mais nous espérons contribuer à les empêcher" en luttant contre l'oubli, conclut-il.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110701.AFP5909/proteger-les-charniers-de-l-holocauste-un-devoir-pour-les-victimes.html

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